Véronique BIAU
Au cours des quarante ou cinquante dernières années, s’est clairement amorcé en France un mouvement qui a affaibli le statut privilégié qu’avaient les architectes depuis des siècles aux côtés des décideurs politiques et administratifs, dans la sphère publique, pour les inclure aujourd’hui plus directement dans des dispositifs conduits par les logiques technico-économiques du monde de l’immobilier, dans la sphère privée. Et pourtant, au-delà de ces mécanismes de « néolibéralisation » de la fabrication de la ville, les architectes développent de nombreuses professionnalités et pratiques alternatives qui donnent forme et sens à leur action, dans un dialogue avec les attentes d’une partie de la société à leur égard. Le propos présentera les grands traits des effets de la fabrication néolibérale de la ville sur l’activité des architectes, analysera les pratiques qui tentent de se développer en marge voire en opposition à ce système d’acteurs et à ses valeurs et discutera du parallélisme, des antagonismes et du poids relatif de ces deux tendances fortes de ce début de 21ème siècle.
Véronique Biau est architecte-urbaniste en chef de l’État, HdR en aménagement-urbanisme, chercheuse au Laboratoire Espaces Travail (CNRS-LAVUE et ENSA Paris-La Villette). Depuis 2000, elle a été membre et co-directrice du réseau Ramau (Activités et Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme, www.ramau.archi.fr). Ses travaux portent sur les processus et les acteurs intervenant sur la conception et la production des espaces architecturaux et urbains, dont plus spécifiquement les architectes. Elle s’est tout d’abord attachée à la relation maîtrise d’œuvre /maîtrise d’ouvrage dans divers contextes : la grande commande publique et les concours d’architecture en France et en Europe, les partenariats public-privé, l’habitat participatif. Ses études de cas analysent la question du rapport du politique et de l’architecture dans les politiques municipales des villes moyennes, les enjeux de qualité dans la production du logement ou encore la négociation du projet et l’hybridation des savoirs entre habitants et professionnels dans les dispositifs d’habitat participatif. Depuis quelques années, elle analyse les trajectoires des architectes et la diversité des activités dans lesquelles elles et ils exercent. Elle dirige actuellement une recherche financée par l’Agence Nationale de la Recherche (2024-2027) intitulée « Architectes, urbanistes et paysagistes face aux défis du 21ème siècle (ProMetUrba21) » conduite par une trentaine de chercheurs membres du réseau Ramau, dans laquelle les formations, les trajectoires individuelles et les dynamiques de ces trois groupes professionnels sont observées au prisme des désajustements-réajustements qu’ils effectuent par rapport au nouveau contexte socio-environnemental.