Dans le cadre de l’In-situ Vosges proposé aux Licence 1, nous avons mis en place un atelier de croisement des fondamentaux de la géographie, de l’approche esthétique et politique des arts visuels et de leurs mises en pratiques dans l’exercice du projet architectural.
L’atelier est nommé CODEX DIPLOMATE : Il s’agit grâce à la pédagogie d’inventer de nouvelles expériences de formations pour appréhender la question de la transition environnementale.
Cette formation met en œuvre une série d’exercices réalisés sur des cahiers de papiers pliés et assemblées dans une enveloppe-livre.
Cet atelier s’est déroulé dans le Parc naturel Régional du Ballon des Vosges près de Villé, Lalaye, Fouchy Maisongoutte, Steige , à une heure de bus de l’école Nationale d’architecture de Strasbourg.
Nos réflexions, nos recherches, nos essais alimentent nos questionnements face à l’obligation d’agir à la fois dans le champ sociétal, dans le champ des idées mais aussi dans le champ de l’écologie. En revanche, notre modèle universitaire construit des formations par discipline même si nous sommes toutes et tous impacté-es par les enjeux climatiques et l’extinction du vivant. Si le modèle de société souffre de sa vitesse et de son aveuglement même, en va-t-il de même de notre système de formation ? L’intuition qui nous anime est que les pédagogies en lien avec la production de l’espace, celui de notre cadre de vie doivent être revisités face aux enjeux climatiques que nous traversons. Nous nous associons, pour entamer une danse, celle des pas de côté. Nous envisageons une pratique du projet issue d’un processus d’expériences et de ses mises en récit, ou quand la maïeutique coopérative engendre de la forme architecturale, urbaine, territoriale et vivante.
Si les pédagogies transdisciplinaires ne sont pas nouvelles, elles demeurent néanmoins difficiles à mettre en œuvre. Chacun doit se défaire de quelque chose pour agréger sa pensée à celle de l’autre, avouons que l’exercice est difficile. Ce CODEX DIPLOMATE est un premier mouvement vers cette pensée de coopération entre des acteurs de formations aux connaissances complémentaires qui se retrouvent autour d’un objet commun : le vivant.
C’est en nous retrouvant sur le chemin de la pratique de la géographie, que nous avons envisagé cet apprentissage de la compréhension des transformations des milieux. Nous proposons aux étudiant-es un dispositif croisant trois axes : la lecture et interprétation géographique humaine et physique, l’approche des arts plastiques comme transformateur politique et vecteur de mise en récits, l’émergence d’un projet architectural en le situant dans son contexte en totalité. C’est-à-dire d’en comprendre les milieux, ses habitants, les relations sociales établies, humaines, poétiques, politiques, celles des espèces vivantes, puis celles des ressources, afin de s’implanter, trouver fondations et coopérations pour vivre ensemble. Notre approche est alimentée par les philosophies comme Descola, Morizot ou Despret qui réinscrivent la notion du vivant dans nos réflexions contemporaines en nous incluant dedans et mettant à mal la séparation ou la hiérarchisation que nos sociétés pluriséculaires ont entériné.
Nous croisons les disciplines pour faire émerger un questionnement permettant de réinterroger le regard. De celui qui dessine avec un objectif esthétique, de celui qui dessine avec un objectif politique car de la sorte, l’étudiant-e, comprend que le territoire est une affaire de pouvoirs, entre les humains, entre espèces vivantes. Ces rapports de forces ne sont que des enjeux de circulations des êtres dans les espaces mais également, un enjeu du sol, de son exploitation ou non. Il nous semble nécessaire de faire ce chemin avec eux en formant à un regard et un recul critique, associant la pensée politique d’une résilience climatique afin de résister aux facilités idéologiques qui nous cantonnent à cette hiérarchisation des vivants et à une exploitation laissant pour mort les rêves d’un paradis terrestre. Cette pédagogie consiste à apprendre et à rêver en même temps, à imaginer et à être concret au même moment, à considérer l’autre vivant sans cette peur qui nous aliène jusqu’au vertige. Les seuls vertiges qui nous passionnent sont ceux qui nous invitent à mêler nos expériences singulières, qu’elles soient intimes, environnementales ou collectives afin de penser notre rapport au monde avec moins de violences et plus de dialogues, et pas que dans un entre soi.
De ce premier CODEX DIPLOMATE, enseignant-es comme étudiant-es avons appris de nos échanges au contact de ces expériences communes et de nos rencontres avec savoirs. Nous nous sommes dessaisies de quelques enfermements dans nos croyances et nous avons questionné quelques fondamentaux rééclairés à l’aulne d’autres regards. Un déplacement dont l’objectif de formation est d’inventer une place pour accueillir des connaissances et des expériences nous permettant de comprendre à quel point l’incrémentation est riche pour envisager le monde et ses mutations d’un point de vue holistique.
Anne Jaureguiberry et Arnaud Théval
L’atelier a été porté l’équipe enseignante composée de : Chantal Tosse-Fontaine, Marc Hess, Eunice Weiner, Charly Galmiche, Marie Vanderbecken, Cornélie Gérard, Guillaume Equilbey, Anne-Sophie Kehr, Pascale Lux, Anne-Laure Better, Antoine Oziol, Nathalie Larché, Julien Gougeat, Michael Osswald, Didier Laroche. Avec l’aide de Claire Suissa et de Bilal Khannat (moniteurs).